Suite à l’interpellation du Maire de Montreuil concernant le secteur Paul Eluard, Mme la Ministre de l’Education Nationale lui a répondu le 6 février que « ce collège et les écoles qui les alimentent » (sic) « continueront à disposer des moyens d’enseignement dont ils disposent aujourd’hui ». Il manque toujours du concret suite à cette déclaration car madame la Ministre ne propose une CAPE « signée par le Recteur d’Académie » que pour le collège !
Sur ce sujet, la réponse à la Sénatrice de Seine-Saint-Denis Aline Archimbaud apportée au Sénat manque également de concret.
Mme Aline Archimbaud
Madame la secrétaire d’État, vous le savez, des enseignants et des parents d’élèves se mobilisent depuis maintenant plusieurs mois partout en France face à la sortie de leur collège du dispositif d’éducation prioritaire. C’est le cas notamment en Seine-Saint-Denis, où cinq collèges sont concernés, à Aulnay-sous-Bois, à Montreuil, à Neuilly-sur-Marne, à Romainville, ainsi que dans d’autres territoires, dans l’Oise par exemple. Nul ne peut pourtant nier les difficultés socio-économiques que connaissent les habitants de ces zones.
La fin du classement d’un collège en zone d’éducation prioritaire – ZEP – fait planer une menace sur ses projets pédagogiques, souvent innovants, dans lesquels il a pu investir grâce à l’aide que l’État apporte aux plus fragiles. Les projets des établissements de ces zones ont permis de favoriser la mixité sociale, de réduire l’évitement social qui caractérisait ces collèges discriminés, et donc de lutter contre les inégalités en matière de réussite scolaire.
En Seine-Saint-Denis, treize collèges rejoindront l’éducation prioritaire. C’est une bonne chose. Pour autant, l’aide qui leur est justement accordée au regard de la situation sociale des bassins de vie, souvent sinistrés, dans lesquels ils s’inscrivent, ne peut leur être octroyée aux dépens de collèges qui en ont autant besoin et qu’on a néanmoins sortis de ces réseaux d’éducation prioritaire.
Si les enseignants et les parents d’élèves déplorent le manque de concertation et de discussion sur la nouvelle carte de l’éducation prioritaire, ils s’interrogent également sur les indicateurs sociaux ayant été retenus comme critères d’entrée et de sortie du dispositif d’éducation prioritaire, lesquels sont jugés opaques et imparfaits.
Le Gouvernement peut-il garantir la transparence des critères retenus pour redéfinir la carte de l’éducation prioritaire, ainsi que l’exactitude des données qui ont permis de sélectionner les collèges sortis du dispositif ?
Par ailleurs, quelle garantie de moyens peut à présent être donnée aux collèges et aux écoles primaires anciennement classés en ZEP afin qu’ils persévèrent dans leur lutte contre l’échec scolaire et qu’il soit ainsi démontré que l’égalité des élèves sur tous les territoires reste au cœur de la mission de l’éducation nationale ?
En l’absence de la Ministre, c’est Mme Ségolène Neuville, qui a répondu.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion
Madame la sénatrice, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de Mme Najat Vallaud-Belkacem.
Comme vous l’avez dit très justement, la difficulté scolaire est aujourd’hui concentrée dans certaines écoles et dans certains établissements, où les élèves sont malheureusement le plus souvent issus de familles défavorisées. C’est pourquoi il était impératif d’engager un plan sans précédent pour refonder l’éducation prioritaire.
La réforme de l’éducation prioritaire sera déployée, à compter de la rentrée 2015, sur 1 089 réseaux, dont 350 regrouperont les situations les plus difficiles.
Afin d’élaborer la nouvelle carte de l’éducation prioritaire, dont les contours n’avaient pas été revus depuis 2006, un indice social innovant a été défini, en toute indépendance, par la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance du ministère afin de prendre davantage en compte les critères sociaux, notamment la situation des familles. Il est calculé sur la base de quatre indicateurs dont on sait qu’ils ont un effet direct sur la réussite des élèves : le taux de professions et catégories socioprofessionnelles défavorisées ; le taux de boursiers ; le taux d’élèves résidant en zone urbaine sensible ; le taux d’élèves en retard à l’entrée en sixième.
Pour être efficace, l’éducation prioritaire doit concerner les réseaux de collèges et d’écoles qui concentrent le plus de difficultés, le plus de population scolaire en situation de grande fragilité.
L’éducation prioritaire a donc vocation non pas à englober tous les collèges et toutes les écoles accueillant des élèves issus de familles défavorisées, mais à concentrer les efforts sur les établissements comptant le plus d’élèves en situation de grande difficulté économique et sociale.
La réponse aux besoins légitimes de tous les autres établissements se trouve dans le nouveau système de répartition des moyens d’enseignement : l’allocation progressive des moyens.
Ce nouveau système mettra fin aux effets de seuil et aux ruptures de charges brutales entre les établissements qui relèvent de l’éducation prioritaire et ceux qui n’en relèvent pas, l’objectif étant d’accompagner les établissements à la hauteur de leurs besoins, même lorsque ces derniers ne se situent pas en zone d’éducation prioritaire.
La réponse aux besoins des écoles et des établissements se fera ainsi à un double niveau, grâce, d’une part, à la carte des réseaux relevant de l’éducation prioritaire et, d’autre part, à la répartition des moyens d’enseignement dans le cadre des travaux sur la carte scolaire qui sont actuellement en cours.
Vous le voyez, madame la sénatrice, notre ambition est de permettre une juste répartition des moyens, à la hauteur des besoins spécifiques de chaque établissement. Il y va de la réussite de tous les élèves, quelle que soit leur origine sociale.
Mme Aline Archimbaud
Je vous remercie, Madame la secrétaire d’État, de votre réponse et des précisions que vous m’avez apportées.
Vous avez évoqué un système d’allocation progressive des moyens destinés à tous les établissements.
Je rappelle que de nombreux collectifs de parents d’élèves et d’enseignants travaillent sur ces questions et qu’ils se sont engagés lorsque leurs établissements faisaient partie d’un réseau d’éducation prioritaire. Il faudrait, me semble-t-il, avoir avec eux une concertation suivie, régulière, dans un cadre approprié, car, loin de se contenter de protester contre ce qui ne va pas, ils font aussi des propositions pour mieux assurer la réussite scolaire. Actuellement, le cadre de cette concertation régulière fait défaut et il y a là une source d’amélioration possible.
Par ailleurs, nous verrons comment sera définie dans le détail cette allocation progressive de moyens, mais, pour éviter les ghettos, il faut absolument investir non seulement dans les établissements des territoires frappés par la crise sociale, mais aussi dans ceux des territoires qui, pour être sans doute moins défavorisés, comptent malgré tout de nombreuses familles en situation difficile.
L’investissement dans l’école est à l’image de l’investissement dans la recherche : ce que l’on croit économiser maintenant, on le paie beaucoup plus cher vingt ans plus tard.
En savoir plus sur l’allocation progressive des moyens
http://www.gouvernement.fr/action/la-lutte-contre-les-inegalites-scolaires