Nous relayons le communiqué de presse du 29 août 2017 du conseil local FCPE des écoles Jules Ferry/Anne Frank
La SNEM est une entreprise spécialisée dans le traitement de pièces métalliques pour l’aviation civile et militaire. Elle travaille notamment pour les groupes AIRBUS et SAFRAN. A Montreuil, elle exploite une usine située 34 rue des messiers, dans une zone densément peuplée, juste à côté des écoles Jules Ferry et Anne Frank, à proximité d’un futur collège et en bordure du parc des Guilands (zone Natura 2000). Du fait du caractère polluant de ses activités, cette usine est une installation classée pour l’environnement (ICPE) qui nécessite une autorisation. Elle est placée sous la surveillance et le contrôle de la préfecture.
Depuis plus de 10 ans, les riverains dénoncent en vain les conditions dans lesquelles se poursuit l’exploitation de ce site et alertent régulièrement les pouvoirs publics sur les dysfonctionnements et sur la pollution de l’air et de l’environnement: odeurs âcres, déversements d’acides sur les trottoirs, fenêtres de toit des ateliers grandes ouvertes alors que l’usine est censée filtrer toutes les vapeurs toxiques qu’elle produit avant de les rejeter vers l’extérieur… Avec l’association des Buttes à Morel, les riverains ont commandé en 2011 des analyses des sols et des rejets atmosphériques à un laboratoire indépendant. Les résultats étaient alarmants et les pouvoirs publics ont été informés (préfecture, DRIEE, mairie, département, élus). Ils n’y ont donné aucune suite. La vétusté des bâtiments et les mauvaises conditions de travail sont connues de tous. Elles ont été dénoncées en 2013 par les salariés de la SNEM qui s’étaient inquiétés de la sécurité et de l’avenir de l’usine et avaient alerté sur le fait que « dès qu’il pleut, l’eau envahit les locaux, ce qui est peu compatible avec la qualité aéronautique… ». Les conditions de travail n’ont pas changé depuis cette date. De son côté, la préfecture accumule des rapports d’inspection qui constatent des manquements et des non-conformités sans que ne soit suspendue l’autorisation d’exploitation de cette installation classée.
Au mois de juin 2017, avec les autres habitants et usagers du quartier, nous avons interpellé la mairie et la préfecture pour exiger la fermeture définitive de cette usine toxique et la décontamination du site. La médiatisation de cette pollution et de notre mobilisation a incité la préfecture à programmer dans l’urgence une visite d’inspection. L’exploitant en a été informé et nous avons observé un grand nettoyage de l’usine et l’évacuation précipitée et chaotique de produits stockés dans des fûts sans étiquette.
Le 10 juillet 2017, sous une très grosse averse, nous sommes allés à la rencontre des salariés et nous avons constaté à quel point l’usine fuit de toute part. Des torrents d’eau de pluie sortaient des ateliers, des espaces de stockages, descendaient des toitures et dévalaient la dalle en pente du hall où nous nous trouvions pour se déverser dans la cour, sur le trottoir et dans la rue, chargée de tous les produits qu’elle avait rencontrés sur son passage. Comme les salariés, nous avions les pieds dans l’eau, effarés de voir une installation industrielle à risques chimiques aussi peu étanche et ouverte à tous les vents.
Le 11 juillet 2017, les services de la DRIEE ont mené une visite d’inspection approfondie de l’ensemble du site. La préfecture a publié un communiqué de presse le 4 août dans lequel elle indique que plusieurs « non-conformités significatives » ont été constatées, en particulier concernant les dispositifs de ventilation et d’extraction d’air. Un délai de 3 mois a été donné à l’exploitant pour qu’il mette ses installations en conformité (soit avant le 1er novembre 2017).
Nous constatons que le Préfet a ainsi accordé un délai supplémentaire à la SNEM puisque ces mêmes défaillances ont été constatées 3 mois auparavant, lors de l’inspection effectuée le 6 avril 2017 par le même service de la DRIEE, et que l’exploitant avait déjà été mis en demeure « d’effectuer des aménagements dans un délai de 3 mois » (soit avant le 20 septembre 2017).
Cela ne nous surprend pas : la SNEM est mise en demeure de mettre aux normes sa ventilation depuis plusieurs années, sans que cela ne soit suivi d’effet. Il y a 3 ans, suite au rapport défavorable de l’inspection du 27 février 2014, le Préfet avait déjà demandé à l’exploitant de « mettre en conformité le système de ventilation des ateliers et les débouchés de ses extracteurs d’air et de transmettre dans un délai d’un mois, un rapport attestant la réalisation du contrôle des émissions atmosphériques », soit avant le 1er avril 2014. Un an plus tard, le 23 avril 2015, le Préfet avait reconnu que « l’exploitant ne lui avait toujours pas remis le rapport de contrôle de ses émissions atmosphériques », et trois ans plus tard, en 2017, les inspecteurs de la DRIEE ont constaté que le système de ventilation n’était toujours pas conforme aux exigences réglementaires.
Ainsi, si on se réfère à l’arrêté préfectoral du 19 novembre 2007 qui encadre le fonctionnement de cette usine, sur les 22 conditions générales que doit respecter l’exploitant, plus de la moitié ne sont pas remplies (aération et ventilation des ateliers de traitements, étanchéité, dispositifs de rétentions, stockage et éliminations des déchets…). Malgré cela, le communiqué du 4 août 2017 nous indique que le Préfet de Seine-Saint-Denis a décidé de tolérer une fois encore la poursuite de l’exploitation de cette usine vétuste. Nous ne comprenons pas cette bienveillance.
Les activités de ce site industriel représentent pourtant un danger avéré pour la santé des salariés et des populations exposées à ses rejets. Parmi les procédés mis en œuvre dans les ateliers de Montreuil, nous tenons à rappeler aux pouvoirs publics que les groupes AIRBUS et SAFRAN font traiter des pièces d’acier, d’aluminium et de titane dans des bains d’acide chromique et d’acide fluorhydrique. Les procédés imposés par ces donneurs d’ordre sont connus pour leur très grande toxicité en particulier parce qu’ils dégagent dans l’air du Chrome 6 (ou chrome hexavalent). Reconnu comme cancérogène, mutagène et reprotoxique de façon certaine (CMR1) par l’Union Européenne depuis 2001, ce dérivé du chrome a été inscrit dans la liste des substances à éliminer de tout usage industriel. Sa toxicité est avérée sans effet de seuil pour des expositions prolongées. C’est à dire que même à très faible dose, le chrome 6 provoque des cancers et d’autres pathologies graves, avec un délai de latence qui peut être de 20 à 30 ans. Il est donc cancérogène même à des doses inférieures aux valeurs « réglementaires ». Dans le cadre du Règlement REACH, son utilisation sera définitivement interdite en Europe à compter du 21 septembre 2017 – sauf dérogation.
Opposés à cette interdiction, AIRBUS et d’autres industriels se sont réunis au sein d’un consortium ad hoc pour faire valoir qu’ils n’avaient pas à ce jour de procédé de remplacement moins toxique, et ont acheté au prix fort des dérogations européennes pour les procédés concernés par l’interdiction. Ces autorisations provisoires d’une dizaine d’années sont aussi valables pour l’ensemble de leurs sous traitants. Avec ces dérogations, les industriels ont acheté le droit de polluer en reportant la responsabilité de la très grande toxicité de leurs procédés sur les derniers maillons de leurs chaînes de production : les PME et les TPE sous-traitantes. Ainsi, malgré sa dangerosité, le chrome 6 pourra continuer à être utilisé pour le compte d’AIRBUS dans l’usine SNEM de Montreuil jusqu’en 2030.
Etant données les conditions d’exploitation catastrophiques constatées sur ce site depuis des années, nous savons d’ores et déjà que jusqu’en juillet 2017, les salariés et beaucoup d’entre nous et de nos enfants ont été exposés sur de longues périodes à des doses « hors normes » de substances cancérogènes. Nous savons aussi que même dans des condition d’exploitation « réglementaires », les ateliers de la SNEM rejetteraient « légalement » des substances extrêmement toxiques au milieu d’une zone urbaine densément peuplée, à proximité immédiate des écoles et des habitations. Ainsi, l’hypothétique « mise en conformité » de cette installation vétuste n’a aujourd’hui aucun sens et nous exigeons sa fermeture immédiate. Une fois encore, nous affirmons qu’il est impossible que les écoles Jules Ferry et Anne Frank accueillent des enfants si cette usine poursuit ses activités.
A la veille de la rentrée 2017, les pouvoirs publics semblent ne pas comprendre les enjeux et l’urgence de la situation. En réponse à nos revendications, ils prévoient de réaliser durant tout le premier trimestre une étude de la qualité de l’air à l’intérieur des écoles Jules Ferry et Anne Frank en cherchant en particulier à identifier la présence de benzène.
Nous tenons à préciser que pour ce qui concerne la pollution générée par la SNEM, la question n’est pas de savoir si l’air des écoles est pollué ou non par le benzène rejeté par les transports franciliens, mais plutôt de savoir si les pouvoirs publics peuvent raisonnablement continuer à tolérer la présence d’une usine vétuste et dangereuse dans une telle proximité avec les habitations, les écoles, un futur collège et un foyer d’accueil pour adultes handicapés. Les niveaux élevés de pollution atmosphériques en milieu urbain ne peuvent pas servir d’alibi. Ils sont au contraire un facteur aggravant, puisqu’ils viennent s’ajouter à la pollution spécifique liée aux activités de traitements de surface de l’industrie aéronautique.
La réponse que nous attendons est une décision responsable et urgente pour faire cesser l’intoxication dont sont victimes depuis des années les populations voisines de la SNEM. Si l’usine n’est pas fermée le 4 septembre 2017, nous nous organiserons de manière inventive pour mettre en place une « grève de l’école ».
29 août 2017
les représentants des parents d’élèves fcpe
des écoles Jules Ferry et Anne Frank de Montreuil